Exposition / Silence vert : jouer – créer – survivre

Imaginez un monde dévasté par l’Apocalypse. Imaginez plus précisément une zone géographique restreinte, de la taille d’un petit département, cernée d’un mur de barbelés, où sont enfermés des individus dont la plupart ravagés par une terrible épidémie. Pas de ravitaillement, plus d’électricité, plus d’énergie, plus de communication avec l’univers extérieur qui de toute façon s’enfonce dans le chaos. Il convient alors d’organiser la survie.

L’art est un moyen de résistance

Soyez les bienvenus dans le monde du Silence vert. Un film catastrophe en avant première ? Un jeu vidéo d’anticipation ? Un livre de science fiction ? Un reality show peut-être ? Ou la une d’un journal télévisé ?Un peu des cinq et plus encore. Une exposition interactive et expérimentale droppée en plein cœur du Vigan par Oudeis,

Oudéis : association spécialiste des arts numériques électroniques et médiatiques, qui a pour vocation la diffusion, la création d’œuvres, la résidence d’artistes et l’édition. Membre du réseau des cultures numériques en Languedoc-Roussillon, et disons-le, une sacrée pointure en matière de conception du futur avec en tête cet adage :

L’art est un moyen de résistance… Il faut réactiver cette idée.

L’art c’est un terrain de lutte, ce n’est pas une idée abstraite, c’est très sérieux,

c’est une alternative aux armes. En fait, on combat…

Nous conserver en alerte

Paroles énoncées par le Gamemaster fictif qui anime Silence vert et en explique les principes dans le fascicule qui sert de programme aux manifestations. Expos, projections, débats, échanges, rencontres pour un parcours pensé sur le mode du serious game de survie :

La guerre est permanente, elle est mondialisée et inscrite dans tous nos gestes quotidiens. Enjeux géopolitiques, énergétiques, sociaux, culturels, commerciaux, humains, technologiques… Tout ceci inscrit dans une ère de la projection, de la confrontation et de la production de soi. Mais l’instabilité, la fragilité de notre monde doit nous conserver en alerte. Nous ne pouvons jouer de façon béate, simplement positive. Nos oeuvres, nos traces, nos gestes doivent engager une distanciation, elles doivent être réflexives également.

Et de parcours ludique et étonnant, les Rencontres des Arts Numériques, Électroniques et Médiatiques deviennent soudain un laboratoire où reconfigurer notre rapport au jeu et au gaming. Il n’y a pas à dire, Roger Caillois aurait kiffé. C’est que l’auteur de l’ouvrage Les jeux et les hommes aurait trouvé ici une nouvelle source d’inspiration pour prolonger son analyse. Et largement apprécié les extensions définies.

Repenser l’acte du gaming

Ainsi Oudeis a investi Le Vigan sur la période novembre-décembre 2012 afin de compléter la précédente édition des Rencontres qui s’interrogeait sur l’orchestration de la fin du monde. Cette nouvelle session nous place par delà la catastrophe, au moment où les survivants s’organisent et mettre à profit les usages et réflexes du jeu vidéo pour modeler cette nouvelle existence.

Nous voici donc au cœur d’une simulation en temps et en lieu réel, dans un territoire ciblé entre rural et urbain, où le chômage frappe durement, ou la culture est en perpétuel développement pour réinjecter créativité et action, où la reconversion économique ne demande qu’à être vivifiée, où la population présente des différences sociales importantes. A partir de cette configuration, Oudéis élabore une dystopie, un monde catastrophique qui contredit l’utopie, et que les visiteurs vont tester en temps réel, en véritable état de contre-culture, de résistance.

Avec un certain succès vu que la fréquentation augmente d’année en année, attirant les habitants de la ville même, de Nîmes, Montpellier, Alès … des parisiens aussi. Une synergie appuyée par des partenaires aussi impliqués (MCD, Neural, Chicxulub, Divergence, Kawenga…) que les visiteurs qui très vite se prennent au jeu de cette survie improvisée. Improvisée certes, mais fictive ? Pas tant que ça car les installations présentées sont toutes effectives et efficaces.

Artistiques et autonomes

Parmi les différentes expérimentations soumises à l’avis du public, retenons celles-ci comme significatives de la démarche adoptée :

Le fusil à purin d’ortie – Proof of concept

Le canon à purin d’orties / Art-Act from Oudeis on Vimeo.

Apocalypse = absence d’alimentation = reconstruire les circuits de production = jardinage intensif. D’où la création de ce fusil à purin d’orties utilisable pour les jardins potagers ou productions d’herbes médicinales (pratique pour se soigner quand on n’a plus de production pharmaceutique) pouvant être ensuite réduites en huiles essentielles ou eaux florales. Le canon est très utile pour fertiliser et nourrir les plantes mais aussi comme fongicide.

The Deleted City – Richard Vijgen

Apocalypse = comment faire pour conserver/diffuser la mémoire de l’avant et la transmettre aux générations futures quand l’ensemble des réseaux sont dévastés ? Un grand écran tactile sur lequel on navigue pour pénétrer une bibliothèque du web. Une archéologie digitale selon ses auteurs, la visualisation interactive de 650 gigabits issus de Geocities (réalisée par Archive en Octobre 2009).

Le bioréacteur – Proof of concept

Apocalypse = absence de sources d’énergie = un très gros problème puis que plus de lumière, plus de chaleur. Voici donc qu’on nous propose un bioréacteur constitué de bouteilles d’eau minérales, tubes translucides et autres gros pots de yaourts transformés en digesteurs, lesquels sont nécessaires pour alimenter en CO2 les micro-algues utilisées dans le réacteur.

Descriptif détaillé de la mise en oeuvre d’un bioréacteur, fiches techniques et applications permises.

Le tout peut paraître amusant de prime abord, mais au finish ces outils réalisés à partir de jouets, de bouteilles d’eau vide, d’écrans recyclés relancent la réflexion sur la récupération en milieu hostile. Et ces expériences parmi d’autres soulèvent soudain l’espoir d’une autonomie qui remettrait en cause bien des systèmes qu’on nous impose.

Ou quand art, numérique et jeu se mêlent pour nous libérer et annuler les fondamentaux d’une logique qui n’est pas si globale que ça ?

Et plus si affinités

http://www.oudeis.fr/

Article sponsorisé

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com