Carmen par Olivier Py : Venus in furs and castagnettes

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Les vacances ont bien débuté. Vu l’état des porte monnaie, il va falloir préparer un programme culturel en conséquence, au sec et pas cher. Tournons-nous une fois de plus vers The Opera Platform, qui nous donne l’occasion d’apprécier en replay et gratuitement la mise en scène de Carmen de Bizet par Olivier Py pour l’opéra de Lyon. Un incontournable daté de 2012, repris en 2015, appréciable tant par la qualité de l’interprétation que par l’audace et la justesse de la mise en scène.

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Comme à son habitude, Py attrape l’oeuvre à bras le corps et la sort de son contexte initial. Exit les castagnettes et les robes à pois, les paillettes des toreros et l’ambiance sévillane, Carmen est désormais une meneuse de revue à Pigalle. Côtoyant putes, travelos, dealers, ivrognes et freaks en tous genres, la plantureuse rousse joue les effeuilleuses burlesques dans un night club nommé Le Paradis Perdu, allumant ses admirateurs venus la contempler vêtue dans le simple appareil d’Eve la tentatrice, un serpent autour du cou. Le diable n’est pas loin.

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Libre donc, reine de théâtre, un brin dominatrice,un chouïa sorcière, la voici face à Don José, flic en uniforme qui assure la sécurité de ce quartier chaud, de Paname ou d’ailleurs. Le pauvre garçon va très vite se trouver dépassé par la situation, séduit, manipulé, proscrit, … un clown. Je t’aime, moi non plus. Cette union improbable tourne d’entrée au fiasco, Carmen étant une femme à toquade, une gourgandine de théâtre. On pense à la Nana de Zola, à la Sally Bowles du Cabaret de Fosse, qui aurait jeté son dévolu sur le Paillasse de Leoncavallo, dans un tourbillon de plumes, de strass et de sueur.

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Même l’issue du drame inspiré par la nouvelle de Mérimée est revisitée par Py : ne sommes-nous pas au théâtre, par définition le lieu de l’illusion ? Poignardée sur les planches, Carmen peut-elle mourir ? Après tout, c’est un mythe, une nouvelle Lilith, l’Eve future, Venus in furs … Jouant du décor superbe inventé par Pierre-André Weitz pour dévoiler la salle, la scène et les coulisses du cabaret où se produit la belle, Py multiplie les mises en abîme. Et montre un Don José en résistance, qui chaque fois qu’il tente d’échapper est rattrapé par un destin funeste, contraint de succomber aux charmes de la vénéneuse, dépossédé jusqu’au bout de sa passion, de sa vengeance, de son ultime tentative pour avoir entièrement cette femme qui n’est au final qu’un fantasme.

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José Maria Lo Monaco et Jonghoon Lee incarnent ce couple maudit, avec vraisemblance et émotion, une tension palpable dans les voix comme dans les gestes, dans les étreintes comme dans les coups. La direction de Stefano Montanari impulse un rythme de comédie musicale à la partition de Bizet, contredit par l’omniprésence du masque de la Mort, partout dans les coulisses de ce bastringue. L’équation finale touche par sa pertinence, sa lucidité, la catharsis proposée qui dissèque les errances du sexe et de la chair quand on les confond avec l’amour pur, représenté par l’angélique Micaela, excellente Nathalie Manfrino.

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L’opéra de Lyon propose ici une production qui fait date, par un choix de mise en scène, une lecture aussi audacieux qu’intelligents, qui ancre la légendaire héroïne romantique dans notre présent. le tout sera apprécié par les amateurs d’art lyrique comme par les connaisseurs de théâtre, mais demeure abordable pour les néophytes, qui en goûteront chaque rebondissement, abordé comme un épisode de film à suspens. A ce titre, les cadrages et les gros plans réalisés par l’équipe de tournage permettront d’apprécier la justesse du jeu des interprètes tout comme les détails des décors et des costumes.

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Et plus si affinités

Pour voir et revoir cette version de Carmen par Olivier Py, rendez-vous sur ce lien :

http://www.theoperaplatform.eu/fr/opera/bizet-carmen

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com